. Mais la Banque mondiale s’est retirée du projet. Raison invoquée : l’opacité et la création de l’Agence pour le Développement et la Promotion du Projet Inga (ADEPI), rattachée à la présidence de la République. Au regard des inquiétudes des opérateurs miniers qui attendent beaucoup de ce projet, le chargé de Mission de l’ADEPI, Bruno Kapandji a été convié pour parler de ce projet lors de la semaine minière qui s’est déroulée à Lubumbashi du 13 au 15 juin 2018.
L’opinion se rappelle que Kapandji fut ministre de l’Energie en 2013 à l’époque où la convention avec l’Afrique du Sud était signée. La Cellule de Gestion de Inga 3 a même été créée et fonctionnait sous sa tutelle. Tout allait bien avec la Banque mondiale. Kapandji avait avancé les dates pour le démarrage des travaux en janvier 2016, puis janvier 2017. Il annonçait la production du premier mégawatt en 2021. Il a quitté le gouvernement en 2015 et on ne le verra que plus tard à l’ADEPI. Aucune date n’a été respectée et rien n’a été fait en dehors des études susmentionnées. La clé de répartition du courant à produire par ce barrage est la suivante : 1300 MW pour l’industrie minière de la RDC, 2500 MW pour l’Afrique du Sud et le reste pour la consommation domestique.
Cependant, le retard que le projet a connu ne rassure personne. Cela a poussé Kapandji à donner quelques explications à l’assistance. Il a reconsidéré ses postions des années antérieures sur le même dossier en déclarant qu’Inga 3 produira 11.000 MW au lieu de 4.800 annoncés précédemment. Or, depuis les travaux d’EDF, aucune recherche n’a été entreprise. Tout est au point mort. S’agit-il des incantations ? Aucune certitude donc.
13 milliards d’investissement
La Banque mondiale s’étant retirée, la BAD est-elle capable de financer ce projet ? Encore le doute ! La sélection des développeurs n’a pas répondu à la loi sur la passation des marchés publics. Sur les trois opérateurs désireux de travailler avec le gouvernement, le canadien Lavalin a été écarté. Le gouvernement a retenu une entreprise chinoise et une compagnie espagnole pour un contrat de concession de 30 ans. Les deux ont remis un document unique au gouvernement le 7 juin dernier pour la création d’un seul consortium. Les travaux démarrent cette année selon le chargé de Mission du chef de l’Etat en charge de l’ADEPI. Kapandji affirme en outre que 20% des investissements reviendront aux Congolais conformément à la loi sur la passation des marchés qu’il n’a pas respectée lors de la sélection des opérateurs. De plus, les dirigeants actuels préfèrent les marchés de gré à gré. A quel stade interviendront les Congolais dès lors que les règles de départ sont floues avec des projets de lois ultraconfidentiels sur le site Inga et sur l’ADEPI ? Incertitude!
Par ailleurs, la SNEL est écartée du projet. Pourtant, elle devrait être le bras séculier de l’Etat car détenant l’expertise. Matadi Nenga, alors ministre de l’Energie l’a dit tout haut lors de son interpellation au parlement. Il a regretté amèrement la mise hors-jeu du ministère de l’Energie et de la SNEL.
Quant aux aspects environnementaux et sociaux, Kapandji a tenté de rassurer : Comparé aux autres barrages du monde tels que Trois Gorges en Chine, Itaipu au Brésil, Guri au Venezuela ou Ataturk en Turquie, le site Inga présente moins d’inconvénients. Inga 3 a une puissance de 10.000 à 12.000 MW sur un espace de 170 km2 et 37.500 personnes à délocaliser. Le Grand Inga possède un potentiel de 44.000 MW sur une étendue de 170 km2 et une population estimée à 37.500 habitants. Kapandji indique que le remplissage de la Vallée de Bundi n’aura aucun effet néfaste sur l’environnement. Mais lorsque les ONG analysent le projet et émettent des critiques, Kapandji les accusent de mener une campagne d’intoxication et d’opposition, financée et soutenue par les ennemis du projet dont Congo River en tête. Il convient de noter que Congo River est une ONG environnementale américaine qui finance certaines ONG congolaises la CORAP notamment. Bruno Kapandji voit la main noire de la Banque mondiale derrière « le travail de sape de ces ONG ». La politique de bouc émissaire.
Libéralisation du secteur et sécurité des investissements, de grands défis pour la RDC
La RDC a adopté une loi libéralisant l’électricité en 2014 et a mis fin au monopole de l’Etat exercé jadis par la SNEL. Le pays tente d’attirer les investissements privés, mais sa démarche est une ‘’course vers le bas’’. Les privés demandent plus de garanties à l’Etat. Devoir de mémoire : Il y a pratiquement 11 ans, la société MAG ENERGY appartenant à Georges Kyriakos a subi un mauvais sort : Son contrat avec la SNEL pour la réhabilitation de quatre turbines à Inga, fut résilié. Il a perdu plusieurs millions de $ US. Les miniers sont de grands consommateurs du courant. Ils sont parties prenantes à certains projets du secteur, mais doutent encore d’y injecter leur argent. Ils justifient leur crainte par l’instabilité provoquée par l’Etat lui-même. Ils invoquent la révisitation des contrats miniers, la révision du Code et du Règlement miniers. Plus récemment encore la Gécamines vient d’ouvrir une brèche pour « les renégociations de tous les partenariats » selon le PCA Yuma. Est-ce une révisitation bis des contrats léonins? Face à de telles incertitudes, les investisseurs sont très inquiets. C’est ainsi que le DG, Cyrille Mutombo de Kibali Gold a posé les questions suivantes à Bruno Kapandji : « Vous lancez un appel aux hommes d’affaires pour qu’ils investissent dans l’électricité. C’est bien ! Ne subiront-ils pas le même sort que les miniers ? Quelles sont les garanties offertes aux investisseurs potentiels ? Le climat des affaires sera-t-il assaini pour eux ?». A ces interrogations, Kapandji a répondu : « Ne regardons pas derrière. Tournons la page. L’ADEPI est aussi un guichet unique qui s’inscrit dans la logique de l’amélioration du climat des affaires».
Malgré le discours officiel sur le projet Inga 3, la réalité est tout à fait autre car de nombreux problèmes restent pendants.
Sd- Gomez MAYA NZAO