13 Apr
La régularité de l'ordonnance du président de la République Démocratique du Congo sur l'état d'urgence, critique et perspective:   La Constitution est un système. Complexe. C'est un texte de droit fondamentalement philosophique. Ce n'est pas un texte plat. Son interprétation requiert une certaine technicité.

Il y a toute une typologie d'interprétations de la Constitution. Généralement l'on distingue comme types d'interprétation : l'interprétation génétique, l'interprétation sémiologique, l'interprétation téléologique, l'interprétation systémique, l'interprétation fonctionnelle.


Je pourrai revenir pour les détails explicatifs.


Par rapport spécifiquement à la question de la proclamation de l'état d'urgence, il y a en effet cet article 119-point 2, l'article 85 et l'article 144 de la Constitution.


I. Dans un premier moment, il y a une sorte de contradiction apparente entre l'article 119-2 et les articles 85 et 144 de la Constitution.


Dans ce cas, il y a deux solutions juridiques : 

- Soit considérer que ces articles proposent effectivement deux possibilités alternatives au Président de la République, 

- soit qu'il y a une contradiction irréductible entre les deux articles de la Constitution. Dans cette situation, la science juridique (la jurisprudence constitutionnelle) a forgé une solution dans la théorie de la proportionnalité qui consiste à mettre en balance les deux dispositions contradictoires et préférer celle qui colle le plus utilement avec le système constitutionnel à l'aune des valeurs fondamentales que l'on voudrait préserver ou mettre en évidence. Ici, il y a l'interprétation téléologique et l'interprétation fonctionnelle qui interviennent.


II. Dans un second moment, il y a lieu de constater que l'analyse des dispositions relatives à l'état d'urgence induit comme logique dominante de considérer que l'intervention du Parlement doit se faire a posteriori, en aval. L'article 144 alinéa 2, complétant l'article 85 de la Constitution, dispose : " l'Assemblée Nationale et le Sénat se réunissent alors de plein droit. ....".  Aliis verbis, c'est après que l'état d'urgence ou l'état de siège a été proclamé par le Président de la République que le Parlement *doit* se réunir. Dans le libellé de cet article complémentaire (art. 144), il n'est nullement fait mention de l'article 119-2. C'est une omission éloquente, expressive, significative. (Interprétation sémiologique et interprétation systémique).


En conclusion :


- L'article 119-2 doit être combiné avec l'article 144 alinéa 5 de la Constitution pour la prorogation (interprétation fonctionnelle et interprétation systémique).


- L'article 85 doit être combiné avec l'article 144 alinéas 1,2,3 et 4 concernant la proclamation (interprétation sémiologique et interprétation systémique).


Moralité:


- Le Président de la République a agi conformément à la Constitution.


- Le Président du Sénat s'est fourvoyé. Malheureusement.

Me Jonas Ngalamulume

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