Le père de la démocratie congolaise va bientôt être porté en terre. Félix va enterrer Étienne après plusieurs heures de communion nationale. Félix va désormais pouvoir s'incliner, non pas sur un cercueil, comme je l'écrivais il y a plusieurs mois, mais sur une tombe, celle de son père.
Extraordinaire situation, celle d'une longue attente, pour la mise en terre d'un homme hors du commun. Ya Marthe va pouvoir bientôt quitter ses habits de deuil. Toute une famille, les Tshisekedis, va pouvoir accepter un bain de consolation, et accepter les devoirs que lui imposent l'appartenance à la famille du président.
Félix va enfin retrouver les siens, ses frères qui, chaque jour, s'interrogent s'il faut soutenir le président, se réjouir à l'idée que l'un des sept mousquettaires de l'icône de la démocratie congolaise est devenu président de la RDC, ou continuer le deuil du père, celui d'une famille, mais aussi le deuil de tout un peuple.
L'heure est enfin arrivée. Félix va présider la mise en terre d'Étienne, lui qui fut pendant si longtemps, tour à tour fils biologique (bien sûr), fils spirituel, élève modèle de l'école de la démocratie, et joker de l'UDPS pour obtenir une alternance apaisée, au sommet de l'État.
Félix va élever Étienne au rang de héros national, avant sa mise en terre.
Décision sage ou imposture?
Les médias sociaux ont explosé, au lendemain de certaines déclarations attribuées à Zoe Kabila, et qui prêtent à controverse.
Père de la démocratie ou héros national?
Zoe Kabila aurait dénié l'un et l'autre à notre icône national, conférant tour à tour, le brevet de père de la démocratie à son frère, et celui de héros national à son père.
Y a-t-il réellement matière à polémique? Un de mes amis sur facebook m'a envoyé un message pressant. Pourquoi pas Tshisekedi père de la démocratie et Joseph Kabila, père de l'alternance?
La question fondamentale, celle que chaque congolais est en droit de se poser, a trait, dirait le professeur Shimata Tshinanga, à la perception et à la signification que nous donnons aux expressions "père de la démocratie" et "héros national".
Puis-je, comme citoyen congolais, affirmer, urbi et orbi, qu'Étienne Tshisekedi est mon héros? Puis-je, en tant que combattant des libertés, et militant de l'expression publique des désaccords entre acteurs politiques, prétendre qu'Étienne Tshisekedi est le père de la démocratie congolaise? En d'autres termes, le Congo aurait-il évolué spontanément vers un régime démocratique, si monsieur Tshisekedi et les treize parlementaires n'avaient pas défié le président Mobutu?
Au-délà des polémiques et des outrances, l'observateur a pour vocation de poser des questions et de tenter d'y apporter des réponses.
Lorsque le profane se donne la peine de googler le mot "héros", il se retrouve confronté non pas à une, mais à plusieurs définitions. Par examples:
Sens 1: homme d'un courage et d'un mérite extraordinaires;
Sens 2: un homme qui s'est distingué par ses exploits militaires;
Sens 3: un homme qui se distingue par sa force de caractère, sa grandeur d'âme, ou sa haute vertu;
Sens 4: le héros d'un roman, d'une pièce de théâtre, le personnage à qui il est arrivé des aventures extraordinaires;
Sens 5: le héros d'une chose (je prendrais pour example la démocratie), celui qui y brille d'une manère excellente, en bien ou en mal; l'homme qui, en un certain moment, attire sur soi, toute l'attention du public. Dit familièrement, son héros veut tout supplement dire, "c'est l'objet de son admiration".
Peut-on, à la lecture de toutes ces définitions, prétendre qu'Étienne Tshisekedi n'est pas mon héros?
S'il l'est effectivement, et s'il est aux yeux des millions des citoyens congolais, peut-on combattre son élevation au rang de "héros national"?
Patrice Lumumba n'est pas mort au combat. Il a été livré en victime expiatoire à Tshombé par l'homme qui l'élevera quelques années plus tard, au rang de héros national.
Laurent-Désiré Kabila n'est pas mort au combat. Il a été assassiné par un agent commis à sa garde qui, disait-on, avait voulu venger l'assassinat de Ngandu Kisese, lors de la guerre dite de "libération" de l'AFDL. Rappelons que jusqu'à cet assassinat de triste mémoire, Laurent-Désiré Kabila n'était pas le leader, mais plutôt le porte-parole de l'AFDL. C'est le régime dictatorial que l'AFDL (dont il était devenu le visage principal) avait mis en place qui décida de l'élever au rang de "héros national".
Je ne peux pas blâmer Zoe pour ses égarements de langage qui relèvent, peut-être, d'une maîtrise insuffisante de l'histoire politique de la RDC.