L’auditorat militaire des Forces Armées des Forces Armées de la République Démocratique du Congo a, en date du 09 mars courant, « classé sans suite » le dossier dans l’affaire dite des mercenaires contre l’ancien gouverneur de la province du Katanga et ses co-accusés.
Il faut dire que le document a vite circulé dans les médias sociaux et autres réseaux. Ainsi, les journalistes en tout cas la plupart ont titré dans tous les sens, commentaires à l’appui comme quoi, Moïse Katumbi Chapwe a été blanchi dans cette affaire dite des mercenaires.
Cependant, ce que l’opinion doit retenir est que, le classement sans suite concerne seulement ses six co-accusés, dont la plupart étaient des militaires et policiers, d’ailleurs poursuivis en son temps par la même instance judiciaire militaire.
Pourtant, l’opinion ne cesse de se demander et ces questions méritent d’être posées quant à cette affaire : est-ce que le fait de classer l’affaire, blanchit Moise Katumbi Chapwe ? Si tel est le cas, est-elle une solution durable pour l’ancien gouverneur ? Et pourquoi l’Auditeur Général a dans sa décision motivé ce qui suit : « Etant donné que le Président de la République a fait la décrispation politique son cheval de bataille ? »
En outre, quid des poursuites pendantes devant la Cour de cassation contre le même ancien gouverneur de l’ancienne province du Katanga.
Il faut dire que la même affaire a été fixée en juillet 2018 par le Parquet près la Cour de cassation devant la même juridiction qui juge jusqu’à ce jour Moise Katumbi Chapwe cette fois-ci dans l’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, pour recrutement des mercenaires. En ce que, la même Cour est à sa deuxième audience pourtant à sa première audience, elle s’était déclarée non saisie à l’égard de l’accusé principal, dont il est question. Moise Katumbi n’étant pas en République Démocratique du Congo, le délai pour lui signifier la date de l’audience n’était pas respecté. Ainsi, l’affaire avait été renvoyée à trois mois, soit en octobre de l’année passée, aux fins de régulariser la procédure. Ce qui fut, en tout cas fait.
Toutefois, arrivée à l’audience fixée au mois d’octobre, Moise Katumbi ne s’étant pas présenté, la cour avait retenu un défaut à son encontre. Sinon, ce défaut n’aura pas d’effet du fait de l’exception de l’inconstitutionnalité soulevée séance tenante par l’un des co-accusés, contre les poursuites engagées à son encontre.
En ce moment, la Cour de cassation n’avait pas d’autres choix ou droit que, devant cette exception de sursoir l’affaire, en attendant que le juge de la Cour Constitutionnelle statue quand à cette exception.
C’est dans ce contexte que l’affaire n’avait plus évolué.
En quoi l’affaire a été classée sans suite par rapport à sa nature juridique?
L’opinion retiendra que, le classement sans suite est une décision du Parquet ou de l’Auditorat militaire, selon que l’affaire relève de la compétence de la justice civile ou de la justice militaire.
Elle se justifie par le fait qu’à l’issu de l’instruction, le magistrat instructeur puisse constater soit qu’il y a insuffisance de preuves, soit un des éléments constitutifs de l’infraction fait défaut, soit il y a inopportunité des poursuites. Ce classement peut être administrative et cela n’enlève que l’affaire peut rebondir lorsque les éléments de preuves peuvent être justifiés
En effet, l’inopportunité des poursuites se justifie notamment, par le fait que des poursuites contre certaines personnalités risquent de causer d’énormes dégâts plus que même ceux qu’aurait causé l’infraction dont elles sont reprochées.
Comme nous l’avons dit ci-haut, la nature juridique du classement sans suite est une décision administrative et non juridictionnelle. Toutefois, la doctrine admet que la personne bénéficiaire du classement sans suite est en insécurité juridique par le fait qu’à tout moment, le Parquet ou l’Auditorat militaire peut revenir sur cette décision dès lors que les éléments mis à la charge de l’accusé soient réunis.
Par contre, la personne qui bénéficie d’une décision juridictionnelle, prise à l’issue d’un procès ouvert à son endroit, bénéficie du principe « non ibis ni idem », c’est-à-dire ne peut être jugé deux fois pour la même cause.
Dans le cas d’espèce, Moise Katumbi Chapwe ne peut pas considérer ce classement sans suite comme à son actif, mieux le blanchir. En outre, il ne doit pas également considérer que cette décision a clos indirectement l’affaire quant à ce qui le concerne, étant donné qu’elle est en faveur de ses co-accusés.
Par contre, l’ancien gouverneur de l’ancienne province du Katanga doit plutôt demander que son dossier soit fixé à l’audience et que la Cour de cassation soit fixée et qu’une décision sur le fond intervienne. Ainsi, la décision sera dite de manière juridictionnelle. C’est dans ces conditions qu’il se dira blanchi et bénéficiera en totalité du principe « non ibis non idem » comme dans l’affaire qui l’opposait à Emmanouli Stoupis, si jamais l’on voulait le poursuivre pour le mêmes faits.
En quoi le Chef de l’Etat est-il impliqué dans l’affaire Katumbi ?
La décision rendue le 09 mars courant rentre dans l’actif de l’actuel Président de la République s’agissant de la décrispation politique, surtout que l’Auditorat Général avait fondé sa décision sur les considérations d’ordres politiques. Cette dernière donne l’impression que la justice congolaise est toujours sous les ordres des politiques. Ce qui laisse entendre que la politique prime sur la justice. L’auditorat général aurait fondé s a décision sur les motifs reconnus par le droit notamment de l’insuffisance des preuves, ou défaut d’éléments constitutif de l’infraction, plutôt nous verser dans les chimères qui peuvent à toute occasion ouvrir ce dossier prétendument classé sans suite, à la suite de la décrispation politique prônée par l’actuel locataire de la Cité de l’UA.
Qui dit mieux ! Parlons-en.
Pius Romain Rolland